Septembre 2024
(not available in English)
« Choisissez les meilleurs et laissez-leur la paix ! ». En fondant l’Institut qui porte maintenant son nom, Christian de Duve n’a pas voulu rédiger un programme de recherche précis, mais au contraire laisser une grande liberté aux chercheurs recrutés, parce que ce sont eux qui sont le plus à même de savoir ce qu’ils pourront faire de mieux et avec le plus d’inventivité. L’Institut n’a donc pas été orienté vers une extension des recherches sur les lysosomes et les peroxysomes.
Toutes sortes de recherches ont donc pu fleurir avec succès. La plus célèbre découverte est sans doute celle des antigènes de tumeur par Thierry Boon et son équipe. Elle a créé un terrain solide pour toutes les recherches sur l’immunité tumorale et les nombreuses découvertes qui ont depuis lors été faites dans ce domaine, y compris à l’institut, sans oublier les traitements efficaces qui se sont progressivement déployés. Comme autres découvertes, citons divers mécanismes de régulation du métabolisme et de l’expression génique ; la découverte et la compréhension de nombreuses maladies du métabolisme intermédiaire et d’autres maladies génétiques, telles les malformations vasculaires et certaines hémopathies malignes ; la découverte de plusieurs cytokines. Impossible de tout mentionner.
C’est avec joie et fierté que nous fêtons les 50 ans de l’Institut de Duve dont la devise quinquagénaire continue aujourd’hui encore à être la motivation principale des 280 chercheurs et techniciens qui y travaillent : « Mieux comprendre les maladies pour mieux les guérir ».
Emile Van Schaftingen
Directeur de l’Institut de 2004 à 2019
L’équipe de Géraldine Laloux a réalisé des observations en microscopie montrant comment une bactérie prédatrice attaque une autre bactérie et, tel un vampire, en vide son contenu pour se nourrir. C'est la première fois que des vidéos « en direct » de toutes les étapes du cycle de vie d'une bactérie prédatrice de ce type sont réalisées.
Les bactéries prédatrices sont partout autour de nous, dit Géraldine Laloux: « On les trouve dans les lacs, les égouts, les sols, et oui, elles sont aussi dans votre jardin. » Il existe de nombreuses espèces ayant en commun de se nourrir d’autres bactéries, mais avec des modes de reproduction et d’attaque de la proie très différents. Beaucoup de ces cycles de vie ingénieux restent largement mystérieux.
L’équipe de Géraldine Laloux a réussi à visualiser le cycle de vie d’une de ces bactéries prédatrices appelée Bdellovibrio exovorus. Les images montrent comment le prédateur s'attache à sa proie pour en digérer le contenu. Le prédateur grandit puis se divise en trois bactéries filles, qui, une à une, quittent la proie à la recherche d'une nouvelle victime. La proie est laissée morte et vide de son contenu cellulaire. L'ensemble du cycle dure 4 heures.
L’équipe a utilisé deux techniques de microscopie de pointe pour obtenir ces images. Grâce à la microscopie time-lapse, ils ont « filmé » les bactéries à l'échelle micrométrique (1 000 fois plus petite qu'un millimètre). En collaboration avec la VUB, ils ont ensuite utilisé la cryomicroscopie électronique pour zoomer d'un facteur 1 000 supplémentaire et visualiser le processus à l'échelle nanométrique.
Images de la bactérie proie sans (à gauche) et avec (à droite) la bactérie prédatrice. Sur l'image de droite, la flèche bleue pointe vers les restes de la bactérie proie et la flèche blanche vers une bactérie prédatrice issue de la prolifération sur les proies. La barre d'échelle blanche (en bas à gauche) est de 2 µm.
Les images leur ont également permis de visualiser la jonction unique entre les bactéries, permettant à B. exovorus de rester fixée à sa proie pendant plusieurs heures durant tout le processus de digestion. Ils étudient maintenant cette intéraction plus en détail par des techniques biochimiques pour identifier et comprendre les mécanismes moléculaires sous-jacents.
Les connaissances sur les stratégies utilisées par les bactéries prédatrices pour tuer d’autres bactéries pourraient avoir diverses applications. Géraldine Laloux : « Elles pourraient être exploitées à long terme pour développer de nouvelles méthodes de lutte contre les bactéries pathogènes. De nouveaux moyens de tuer les bactéries sont nécessaires pour vaincre la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques. En outre, ces connaissances peuvent également être utiles dans d’autres secteurs, comme le contrôle des populations microbiennes dans l’environnement, un enjeu majeur pour la biodiversité et donc pour la santé humaine. »
Si l’on observe la présence de nombreux neutrophiles, un type de globules blancs, dans une tumeur (p.ex. cancer du sein ou du poumon), c’est souvent le signe d’un mauvais pronostic clinique. La raison reste inconnue. « Nous ne comprenons pas bien la diversité des neutrophiles humains, ni ce que les neutrophiles font aux lymphocytes T, les cellules immunitaires qui sont capables de tuer les cellules cancéreuses », précise Pierre van der Bruggen.
Le groupe de Pierre van der Bruggen étudie les neutrophiles dans des échantillons de sang et de tumeurs de patients atteints d'un cancer du poumon. Dans le sang de nombreux de ces patients, les chercheurs observent des neutrophiles « légers », de faible densité, alors que les neutrophiles sont normalement « lourds ». Certains de ces neutrophiles de faible densité inhibent la croissance des lymphocytes T, ils sont donc suppressifs pour leur croissance, les empêchant d’être nombreux et efficaces pour tuer les cellules cancéreuses.
« Notre souci », constate Pierre van der Bruggen, « c’est que certains neutrophiles de faible densité sont suppressifs, d’autres pas et je n’arrivais pas à les distinguer les uns des autres. Notre travail a permis de mettre en évidence les marqueurs qui permettent de distinguer deux types de neutrophiles de faible densité dans le sang : les neutrophiles matures, qui supprime la prolifération des lymphocytes T, et les neutrophiles immatures, dépourvu de capacités suppressives. »
Le groupe de Pierre van der Bruggen (quatrième à gauche), avec Frank Aboubakar Nana tout à droite.
Le groupe poursuit les travaux avec une étude clinique, dirigée par le Dr. Frank Aboubakar Nana, qui travaille mi-temps à l'Institut et mi-temps aux cliniques Saint-Luc comme spécialiste du cancer du poumon. Frank Aboubakar Nana : « Nous mesurons avant immunothérapie la présence des neutrophiles légers immatures et matures dans le sang des patients, pour voir si cela prédit la réponse au traitement. Dans une deuxième étude, nous étudions le tissu tumoral après un traitement d’immunothérapie. Cela n’est devenu possible que récemment, car l’immunothérapie est maintenant approuvée comme traitement néoadjuvant (traitement avant la chirurgie) du cancer du poumon. »
Il est difficile d’étudier les neutrophiles car ils sont très fragiles. Ils doivent être analysés peu de temps après le prélèvement et selon des procédures spéciales. Pierre van der Bruggen : « C'est parfois un cauchemar d’étudier des cellules si fragiles, mais c'est un travail important. Il existe une grande diversité parmi les neutrophiles. Si nous savons quels sont les good guys et les bad guys, nous pourrions mieux déterminer le meilleur traitement pour un patient. »
Une image de neutrophiles avec leur noyau multilobé typique en bleu.
En 1968, le KU Leuven se divise en deux : une néerlandophone et l’autre francophone. L'université francophone (UCLouvain) construit la nouvelle ville universitaire à Louvain-la-Neuve et à Woluwe Saint-Lambert sa faculté de sciences médicales. Christian de Duve a l'idée d’y créer un institut où se rencontrent la biologie cellulaire et moléculaire, sur le modèle de l'université Rockefeller à New York. « C’est un pari fou. J’ai dit à l’autorité académique : vous faites le bâtiment et le gros d’œuvre, tout ce que je demande ce sont des briques et du béton. Je m’occupe du reste et trouverai l’argent pour achever et équiper les laboratoires. Chose étrange : ils ont accepté. » (extrait de « Portrait de Nobel : Christian de Duve », Aurélie Wijnants 2012)
Au début, l'Institut s’appelait ICP (Institute of Cellular Pathology) et comprenait 4 laboratoires, dirigés par Christian de Duve, Joseph Heremans, Michel De Visscher et Carlo Cocito, ainsi que Henri-Géry Hers, Henri Beaufay et Jacques Berthet, qui travaillaient comme chercheurs indépendants dans le laboratoire de Christian de Duve. Ils appartenaient tous à l'UCLouvain. Dès le départ, il s’agissait d’un partenariat avec l’UCL et il avait été défini que l'Institut puisse recruter des scientifiques extérieurs à l'université et qu’il soit également ouvert à d'autres sources de financement. Christian de Duve avait négocié deux grands bâtiments de 6 étages dont au début seulement les trois premiers étages étaient occupés.
Le chantier à Woluwe-Saint-Lambert en 1973. La flèche blanche indique le bâtiment de l’ICP (Institut de Duve).
L'espace, les installations, l'ambiance, le prix Nobel et la réputation des scientifiques ont rendu le nouvel institut attrayant pour d'autres scientifiques. En 1978, l'Institut Ludwig pour la recherche sur le cancer décide d'installer une branche au sein de l'ICP. Elle est dirigée par Thierry Boon-Falleur, un chercheur talentueux venant de l'Institut Pasteur de Paris. Ce dernier succèdera à Christian de Duve à la direction de l’ICP en 1984. Cette collaboration avec l’Institut Ludwig a été et est toujours un atout précieux pour la recherche.
Emile Van Schaftingen succède à Thierry Boon-Falleur et dirige l’Institut de 2004 à 2019. En 2007, l’ICP est rebaptisé Institut de Duve. Actuellement, c’est Benoit Van den Eynde qui en assure la direction.
Au fil des ans, le nombre de laboratoires et les sujets étudiés à l'Institut ont augmenté. Et avec eux, la diversité s'est accrue. Alors qu'au départ la plupart des membres étaient des hommes originaires de Belgique, l'Institut compte aujourd'hui des collaborateurs de plus de 40 nationalités différentes et un équilibre de 53%-47% : femmes-hommes.
Dans le lymphœdème, le système lymphatique est mal développé ou ne fonctionne pas bien. Cela entraîne un gonflement, principalement au niveau des membres, mais peut également, avec le temps, entraîner une accumulation accrue de graisse, une inflammation et une fibrose. Le lymphœdème peut se développer in utero, mais peut également apparaître plus tard dans la vie.
Le laboratoire de Miikka Vikkula a identifié une nouvelle cause génétique du lymphœdème. Ils ont découvert que chez un certain nombre de patients présentant une maladie d’apparition tardive, celle-ci est causée par des mutations d’un gène appelé TIE1. Le gène code pour le récepteur TIE1, une molécule transmembranaire présente sur les cellules qui forment la couche interne des vaisseaux lymphatiques. Cette découverte nous aide à mieux comprendre les mécanismes à l'origine du lymphœdème, ce qui constitue la base du développement de nouvelles thérapies.
Les travaux, menés principalement par Pascal Brouillard, sont partis d'une recherche génétique sur des échantillons de 755 patients présentant un lymphœdème. Les résultats sont publiés dans le prestigieux Journal of Clinical Investigation. (doi: 10.1172/JCI173586)
A l'occasion du 50ème anniversaire de l'Institut, nous organisons une journée portes ouvertes exceptionnelle le jeudi 14 novembre à partir de 18 heures sur le site même de l’Institut.
A côté d’une visite inédite de nos laboratoires, vous profiterez d’une exposition temporaire mettant en lumière des découvertes majeures réalisées par les chercheurs de l’Institut ces 50 dernières années.
Si vous êtes intéressé, inscrivez-vous maintenant !
Le gala aura lieu le jeudi 10 octobre au Dome Eventhall, Boulevard de Lambermont 1, 1000 Bruxelles.
Pour réserver vos places ou vos tables, veuillez contacter Isabelle de Duve : philanthropy@deduveinstitute.be
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