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Que sont les gènes « cancer-germline » ?
Les gènes dits « cancer-germline » (CG) forment un groupe particulier de gènes humains qui ne sont normalement actifs que dans les cellules germinales des testicules, c'est-à-dire les cellules qui donnent naissance aux spermatozoïdes. La découverte des gènes CG remonte aux années 1990, lorsque les chercheurs ont été surpris de constater que ces gènes « testiculaires » s'activaient de manière anormale dans divers cancers.
Pourquoi les gènes CG s'activent-ils dans les tumeurs ?
Le contrôle de l'activité des gènes dans les cellules repose en partie sur des mécanismes épigénétiques, c'est-à-dire un ensemble de modifications chimiques qui définissent les régions actives ou silencieuses des chromosomes. On sait que la répartition de ces modifications est profondément altérée dans les tumeurs et que ce chaos épigénétique peut entraîner l'activation anormale de certains gènes. L'équipe du professeur Charles De Smet à l'Institut de Duve (UCLouvain) a démontré que c'est le cas pour les gènes CG, qui sont accidentellement activés lorsqu'une de ces modifications, la méthylation de l'ADN, est fortement réduite dans les tumeurs. Avec quelles conséquences ? Certains chercheurs suggèrent que l'activation des gènes CG pourrait déclencher un programme spermatogénique dans les cellules cancéreuses, les aidant à proliférer sans restriction, à migrer plus facilement ou à échapper aux mécanismes de mort cellulaire. Mais les preuves font encore défaut, les gènes CG n'ont pas encore révélé tous leurs secrets.
Une vision plus large des gènes CG grâce à la bio-informatique
Afin de mieux comprendre les fonctions possibles des gènes CG, l'équipe a fait appel à l'expertise en bio-informatique du laboratoire de Laurent Gatto pour déterminer quand et où ces gènes sont activés pour la première fois au cours de la vie. Leurs découvertes, publiées dans PLoS Genetics, sont à la fois inattendues et fascinantes. Les gènes CG ne sont pas répartis de manière uniforme dans notre génome, car beaucoup d'entre eux sont situés sur le chromosome X. À l'aide de nouveaux outils informatiques et de vastes ensembles de données provenant d'embryons humains précoces, les chercheurs ont découvert que de nombreux gènes CG liés au chromosome X s'expriment au tout début du développement embryonnaire, mais uniquement chez les embryons féminins, et non chez les embryons masculins. Pourquoi ? Il s'avère que ces gènes sont soumis à un type de contrôle particulier appelé « empreinte génomique », dans lequel seule la copie héritée du père est active, tandis que la copie maternelle reste inactive en raison de marques de méthylation de l'ADN. Comme les femmes héritent de deux chromosomes X (un de chaque parent) et les hommes d'un seul (de la mère), seuls les jeunes embryons féminins expriment ces gènes CG (à partir de la copie paternelle). L'étude montre ainsi que les gènes CG marquent les toutes premières différences entre mâles et femelles.
De nouvelles perspectives pour les gènes CG
L'expression spécifique au sexe des gènes CG s'estompe rapidement dans l'embryon (environ cinq jours après la fécondation), mais elle soulève des questions intrigantes. Ces gènes, connus pour leur réactivation dans le cancer, pourraient-ils également jouer un rôle crucial dans le développement précoce de l'être humain ? Quel pourrait être leur impact sur la différenciation sexuelle ? Leur activation dans le cancer pourrait-elle être liée d'une manière ou d'une autre à leurs origines embryonnaires ?
En suivant ces gènes de l'embryon à la tumeur, l'étude ouvre de nouvelles perspectives sur la biologie du cancer et le développement humain, ainsi que sur les mécanismes épigénétiques qui les relient.
Article décrivant cette recherche
Loriot A, Devis J, Gatto L, De Smet C
PLoS Genet (2025) 21(10): e1011734