Une méthode élégante pour augmenter l’efficacité de l’immunothérapie du cancer

Newsletter Décembre 2022

Au cours de la dernière décennie, l’immunothérapie s’est révélée une puissante thérapie contre le cancer. Cette approche thérapeutique vise à renforcer la capacité du système immunitaire à rejeter les cancers. Le traitement a conduit à une amélioration sans précédent de la survie des patients atteints de mélanome et de cancer du poumon, de la vessie, du sein et du rein.

Cependant, l’immunothérapie du cancer est actuellement limitée par deux obstacles. Le premier est l’induction d’effets secondaires de nature auto-immunitaire, c’est-à-dire que la stimulation de l’immunité anti-tumorale entraîne également l’attaque immunitaire de tissus sains. Le deuxième obstacle est qu’une partie importante des patients ne répond pas à la thérapie.

Le groupe de Benoit Van den Eynde a développé une nouvelle approche élégante qui semble très prometteuse pour surmonter ces limitations. L’approche utilise un type de cellules immunitaires, appelées lymphocytes T, pour apporter le traitement d’immunothérapie directement dans la tumeur et ainsi éviter l’attaque d’autres tissus. Il s’agit de traitement à base de médicaments d’immunothérapie appelés anticorps anti-PD-L1. Ceux-ci sont normalement administrés par voie intraveineuse. Leur grande taille les empêche de pénétrer à l’intérieur de la tumeur, ce qui limite leur efficacité. Pour pallier cet obstacle, les chercheurs ont utilisé un format beaucoup plus petit d’anticorps anti-PD-L1, appelé “nanobodies”.
« Nous utilisons des lymphocytes T dirigés contre la tumeur comme moyen de transport pour apporter le nanobody anti-PD-L1 dans la tumeur. Nous les avons modifiés génétiquement pour qu’ils produisent le nanobody», explique Jingjing Zhu, chercheuse principale dans l’équipe de Benoit Van den Eynde et responsable de l’étude.

Ces nanobodies sont les fragments actifs du médicament qui est administré  en  immunothérapie. « Parce qu’ils sont si petits, ils pénètrent beaucoup plus facilement dans la tumeur. Cela augmente l’efficacité de la thérapie. » Cet avantage des nanobodies est connu depuis un certain temps, explique Jingjing Zhu : « Cependant, les nanobodies ne peuvent pas être administrés par voie intraveineuse car ils sont rapidement filtrés du sang par les reins. Leur livraison directe dans la tumeur par les cellules T contourne ce problème. »

  
 

Images d’immunofluorescence de deux tumeurs.
A gauche une tumeur traitée par immunothérapie « standard » (anticorps anti-PD-L1 par voie intraveineuse).
A droite une tumeur traitée avec des lymphocytes T qui sécrètent des nanobodies anti-PD-L1.
La couleur jaune indique les endroits où se trouvent à la fois le composant thérapeutique (anticorps ou nanobody) et la cible (PD-L1) et où l’immunostimulation souhaitée se produit. En rouge : seule la cible (PD-L1) est présente. En vert : seul le composant thérapeutique est présent.
On peut voir que dans la tumeur de droite, le nanobody pénètre beaucoup mieux à l’intérieur de la tumeur pour interagir avec sa cible (couleur jaune).
Dans la tumeur de gauche, le traitement standard reste en périphérie de la tumeur et n’atteint pas les cibles situées au centre de la tumeur (zones rouges).

 

Dans un modèle murin de cancer du côlon, un type de cancer dans lequel l’immunothérapie est souvent inefficace, les chercheurs ont montré que la méthode fonctionnait comme ils le pensaient. « Nous avons observé que les nanobodies infiltraient toute la tumeur, alors que le médicament « classique » était majoritairement localisé à la périphérie de la tumeur. Le traitement avec des nanobodies a conduit à un meilleur contrôle de la croissance tumorale. De plus, les nanobodies ne se trouvaient que dans la tumeur, alors que le traitement classique se trouvait également dans les tissus sains. Cela indique que les effets secondaires de ce traitement seront faibles », dit Jingjing Zhu. Elle pense que le traitement peut améliorer l’efficacité et la sélectivité de l’immunothérapie dans de nombreuses tumeurs solides. La recherche, menée en grande partie par Pierre-Florent Petit, est publiée dans Cancer Immunology research.

Raphaële Bombart, Jingjing Zhu, Pr Benoit Van den Eynde, Pierre-Florent Petit, Loubna Boudhan et Pierre-Hubert Desimpel