Malformations vasculaires

Membres du groupe impliqués : Miikka Vikkula, Nisha Limaye, Pascal Brouillard, Mustapha Amyere, Ha-Long Nguyen, Laurence Boon, Nicole Revencu

Les anomalies vasculaires sont des défauts localisés du système vasculaire sanguin ou lymphatique qui surviennent pendant le développement embryonnaire et sont généralement observées à la naissance ou peu après. Ils sont classés dans les tumeurs vasculaires, qui sont des masses prolifératives qui s'étendent rapidement; et les malformations vasculaires qui grandissent proportionnellement avec l'individu et sont classés selon le type de vaisseau(x) affecté: capillaire, veineux, artério-veineux, lymphatique ou malformations combinées.


Hemangiome infantile

(Nisha Limaye, Nicole Revencu, Laurence Boon)

Les tumeurs vasculaires consistent principalement en hémangiome infantile (IH), une tumeur bénigne commune qui apparaît chez environ 10% des nouveau-nés, principalement dans la région de la tête et du cou. Il prolifère rapidement au cours de la première année de vie, subissant ensuite une période de régression progressive et spontanée s'étendant sur plusieurs années, pour être finalement remplacé par un dépôt fibreux et de graisse. Les formes congénitales d'hémangiome qui régressent rapidement (Rapidly Involuting Congenital Hemangioma ou RICH) ou ne parviennent pas à régresser du tout (Non-Involuting Congenital Hemangioma ou NICH) sont également connus, et les hémangiomes peuvent également apparaître dans le cadre de syndromes plus larges tels que PHACES (Posterior fossa malformations, Hemangiomas, Arterial anomalies, Cardiac defects, Eye abnormalities, Sternal cleft et Supraumbilical raphe syndrome).

Les formes familiales rares de IH suggèrent que des facteurs génétiques peuvent jouer un rôle dans la pathogenèse. On sait cependant peu de choses sur les gènes qui causent ces tumeurs, ou les mécanismes moléculaires qui déclenchent leur régression. Dans une étude collaborative, nous avons démontré que les cellules endothéliales d'hémangiome sont caractérisées par une activation chronique de la voie de signalisation VEGFR2. Dans certains cas, cela est dû à des variants faux-sens dans les gènes codant pour les récepteurs VEGFR2 ou ANTXR2/TEM8 (Jinnin et al, 2008). La majorité des échantillons IH ne portent cependant pas ces changements, et en plus, tout en étant signicativement enrichis chez les patients, ils sont malgré tout trouvés chez les individus sains. Ainsi, l'hémangiome est une maladie hétérogène et génétiquement complexe. Nous exploitons des échantillons provenant de cas familiaux rares afin d'identifier les variants/gènes qui co-ségrègent avec la maladie. Nous évaluons également les événements mutationnels forts (intra-géniques ou chromosomiques) chez les patients syndromiques présentant un hémangiome. Nous testons ensuite ces mêmes gènes dans le sang et les tissus des patients atteints IH isolé et sporadique (la forme la plus courante) pour les changements germinals avec des effets potentiellement plus faibles sur le fonctionnement des protéines, ou de fortes mutations somatiques, qui contribuent à la maladie.


Publications sur le sujet

 

Malformations veineuses

(Nisha Limaye, Pascal Brouillard, Ha-Long Nguyen, Nicole Revencu, Laurence Boon)

Les anomalies veineuses se produisent sous deux formes distinctes: les malformations glomuveineuses (MGV) qui représentent moins de 5%, et les malformations veineuses qui représentent la majorité (95%). Bien que les deux affectent les veines, elles sont des troubles cliniquement et génétiquement distincts (Boon et al, 2004). Nous avons découvert que les MGV, qui sont presque toujours transmises de manière héréditaire autosomique dominante, sont causées par des mutations impliquant une perte de fonction du gène de la glomuline (GLMN) (Brouillard et al, 2002 et 2013). Ces mutations germinales et hétérozygotes sont accompagnées par des mutations somatiques "second hit" qui inactivent l'allèle sauvage: ainsi, les lésions surviennent en raison d'une absence localisée mais totale de protéine fonctionnelle (Brouillard et al, 2002). Cela semble pertuber le développement des cellules musculaires lisses vasculaires (vSMC), ce qui entraîne l'accumulation de cellules "glomiques" arrondies et réparties irrégulièrement autour de canaux veineux distendus (McIntyre et al, 2004). Curieusement, le "second hit" somatique est le plus souvent une isodisomie uniparentale acquise du chromosome 1p, sur lequel la glomuline est située (Amyere et al, 2013). Nous sommes en train d'étudier le rôle de GLMN dans le système vasculaire à l'aide de souris knock-out conditionnelle et spécifique au système vasculaire et de modèle de souris knock-down pour reproduire la maladie humaine (Nguyen et al, non publié).

Les malformations veineuses (VM) sont des veines dilatées couvertes d'une couche simple de cellules endothéliales (CE) entourée de vSMCs éparses et réparties irrégulièrement. Une forme rare à transmission héréditaire autosomique dominante, les malformations veineuses cutanéo-muqueuses (VMCM; 1-2%), est causée par des mutations activatrices dans TIE2/TEK, le récepteur de la tyrosine kinase des cellules endothéliales pour les angiopoiétines (ANGPTs) (Vikkula et al, 1996). Dans les lésions de deux patients, nous avons trouvé des preuves impliquant une mutation somatique "second hit" dans TIE2 (Limaye et al, 2009, et non publiées). Les mutations somatiques dans TIE2 provoquent également les VM unifocales sporadiques communes, ainsi que le syndrome rare mais grave de Blue Rubber Bleb Nevus (BRBN) (Limaye et al, 2009, Soblet et al 2013, Soblet et al 2016). Les distinctions cliniques entre les différentes venopathies associées à TIE2 sont marquées par les différences entre leurs mutations de «signature», ainsi que par les mécanismes mutationnels observés. Nous sommes en train d'étudier les similitudes et les différences dans les effets de ces mutations sur les cellules endothéliales, afin de comprendre pourquoi ils causent des phénotypes distincts. Cela nous apprendra si les VMs sont susceptibles d'être traités efficacement en utilisant des stratégies similaires, ou si des thérapies personnalisées seront justifiées. Dans ce contexte, nous avons constaté que la voie de signalisation PI3K/AKT est activée par toutes les formes mutantes de TIE2 étudiées, ce qui en fait une cible thérapeutique attractive. En effet, l'inhibition de ce circuit en utilisant l'inhibiteur mTOR rapamycine (sirolimus) s'est avérée être efficace pour contrôler la croissance de la lésion dans un modèle de souris des VMs, ainsi que chez les patients présentant une maladie grave (Boscolo et al, 2016). Cela a conduit à la mise en place d'un essai clinique sous la supervision du Professeur Laurence Boon au Centre des Malformations Vasculaires des cliniques Saint-Luc (UCL). Bien qu'il diminue la douleur et améliore la coagulopathie associée aux VMs, la rapamycine ne semble pas éliminer les VMs. En outre, l'utilisation à long terme est associée à des effets secondaires importants, ce qui fait de l'identification de cibles alternatives un objectif urgent dans le laboratoire.

 

Publications sur le sujet

 

Malformations capillaires

(Mustapha Amyere, Nicole Revencu, Laurence Boon)

Les malformations capillaires (CM), également connue sous le nom de "taches de vin", sont les malformations vasculaires les plus fréquentes, avec une incidence de 0,3%. Elles sont présentes dès la naissance et apparaissent le plus souvent comme une lésion rose homogène isolée qui devient plus sombre et s'épaissit avec le temps, lorsqu'elle est située sur le visage. Certains CMs sont héréditaires, et certains font partie d'un syndrome, comme Klippel-Trenaunay, Sturge-Weber, Parkes Weber, ou les syndromes CLOVES. Nous avons identifié des mutations hétérozygotes dans le gène RASA1 (MIM #139150) dans plusieurs familles avec de multiples CMs héréditaires en association avec des malformations vasculaires à flux rapide [Eerola et al., 2002 & 2003]. Elles peuvent être distinguées des lésions télangiectasiques rayonnantes ou arborescentes des télangiectasies bénignes héréditaires et des télangiectasies hémorragiques héréditaires, deux maladies autosomiques dominantes avec des prises en charge différentes [Revencu et al., 2008 & 2013]. RASA1 code pour P120RASGAP. Cette protéine agit comme un régulateur négatif de la voie de transduction du signal RAS, en augmentant la faible activité intrinsèque GTPase de RAS p21 normal. Les mutations somatiques dans GNAQ ont été associés aux CMs apparemment non-syndromiques et au syndrome de Sturge-Weber (MIM # 185300), un syndrome neurocutané sporadique rare souvent caractérisé par une malformation vasculaire des leptoméninges. GNAQ code pour G-alpha-q, une sous-unité de protéine-G qui est impliquée en aval dans la voie de signalisation intracellulaire de MAPK et phospholipase C. Nous sommes intéressés par l'identification de nouveaux gènes causals pour les CMs-AVMs et nous étudions la pathogenèse des CMs-AVMs. De grandes cohortes ont pû être rassemblées pour l'étude.

 

Publications sur le sujet

 

Malformations artério-veineuses

(Mustapha Amyere, Nicole Revencu, Laurence Boon)

Les malformations artério-veineuses (AVMs) sont des anomalies rares à flux rapide qui sont souvent symptomatiques lorsqu'elles touchent le système nerveux central, mais qui peuvent apparaître également sur la peau et d'autres organes. Les AVMs sont les malformations vasculaires les plus dangereuses et sont extrêmement difficiles à traiter. Elles sont présentes dès la naissance et peuvent rester dormantes pendant des années. Alors que la plupart sont sporadiques, certaines sont associées à des troubles autosomiques dominantes, comme le télangiectasie hémorragique héréditaire, le syndrome de la tumeur hamartoma PTEN et les malformations capillaires - malformations artério-veineuses (CM-AVM). Bien que des progrès importants ont été réalisés dans le diagnostic et le traitement des malformations artério-veineuses, les mécanismes pathogènes impliqués restent méconnus. L'identification des mutations génétiques qui causent les AVMs est cruciale pour mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de leur développement, et pour découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques. Un premier essai clinique est en cours au Centre pour les Malformations Vasculaires.

 

Publications sur le sujet

Malformations lymphatiques

(Pascal Brouillard, Nicole Revencu, Laurence Boon)

Les malformations lymphatiques sont des lésions kystiques congénitales localisées,  qui se développent lentement avec la croissance de l'enfant. Certaines peuvent disparaître suite à une infection. Les traitements actuels sont limités à la sclérothérapie, la résection chirurgicale ou la décongestion. Les LMs sont presque exclusivement sporadiques. Leur étiopathogenèse est inconnue. Les LMs peuvent également faire partie d'un syndrome, la plupart du temps des syndromes avec surcroissance d'une partie du corps (Brouillard et al, 2014). Chez les patients syndromiques avec surcroissance lipomateuse congénitale, malformations vasculaires (lymphatiques), naevus épidermiques, et syndrome d'anomalies squelettiques/spinales (CLOVES), des mutations activatrices somatiques ont été identifiées dans PIK3CA.

Publications sur le sujet

 

Syndromes

(Nisha Limaye, Mustapha Amyere, Pascal Brouillard)

Le syndrome de Maffucci (MS) est une maladie congénitale rare caractérisée par de multiples tumeurs cartilagineuses centrales (enchondromes) en association avec des hémangiomes cutanés à cellules fusiformes. Ces patients ont une incidence élevée de transformation maligne. Aucun cas familial n'a été rapporté et la cause étiopathogénique reste inconnue. Dans l'enchondromatose (maladie d'Ollier, OD), qui est composée uniquement d'enchondromes, 4 mutations dans le gène PTHR1 ont été identifiées chez 4 patients; 3 étaient somatiques et 1 était germinale. Aucune mutation PTHR1 n'a été détectée dans le MS, alors que des mutations somatiques dans IDH1 et, plus rarement, des mutations dans IDH2 ont été observées chez 77% des patients atteints de MS et 81% des patients avec OD (Pansuriya et al, 2011). Ces altérations génétiques sont partagées avec d'autres tumeurs, y compris gliomes, leucémies et cancers. Pour déterminer la cause du syndrome de Maffucci, nous avons utilisé des puces Affymetrix SNP pour trouver des changements dans le nombre de copies du génome de 11 échantillons. Les altérations les plus fréquentes ont été détectées en 2p22.3, 2q24.3 et 14q11.2, ce qui définit de nouveaux loci pour cette pathologie (Amyere et al, 2014). Nous cherchons à identifier le gène responsable du syndrome de Maffucci et nous étudions actuellement la pathogenèse de cette maladie.

Nos collaborateurs cliniques ont réussi à traiter avec succès un patient CLOVES de qui nous avons reçu plusieurs échantillons de tissus et avons pu exclure des mutations dans PTEN, AKT1 et TIE2 (Ballieux et al, 2013).

 

Publications sur le sujet

 

Liens utiles