Imprimer des tumeurs en 3D pour mieux les comprendre
et améliorer le traitement des cancers
Newsletter Avril 2023
La bio-impression tridimensionnelle (3D) ressemble à l’impression 3D classique: une structure 3D est construite couche après couche, sous le contrôle précis d’un ordinateur. La différence est que l’encre est constituée de cellules vivantes et de biomatériaux (tels que la gélatine) et la construction bioimprimée en 3D peut servir en médecine réparatrice ou en recherche fondamentale pour mieux comprendre l’évolution de maladies ou pour tester des agents thérapeutiques.
C’est dans cette direction de bio-impression 3D pour la recherche fondamentale que le Professeur Christophe Pierreux s’est engagé. « Un modèle 3D bio-imprimé peut mimer l’hétérogénéité et l’architecture 3D des tissus vivants, bien mieux que les cultures cellulaires 2D que nous utilisons actuellement », dit-il. Un point non négligeable au développement de modèles 3D bio-imprimés est la réduction potentielle du nombre de tests réalisés sur les animaux. « Bien que ceux-ci restent nécessaires – les organismes vivants sont en effet beaucoup plus complexes que ce que nous tentons de bio-imprimer – nous pourrons les réaliser en seconde ligne et sur moins d’animaux. »
Pour imprimer de bons modèles, il est crucial que les informations qui instruisent l’imprimante soient de bonne qualité. C’est le savoir-faire que le groupe de Christophe Pierreux a développé ces dernières années. Son groupe cartographie l’architecture 3D des tissus qui composent les organes: Où se trouvent les différentes cellules et comment s’organisent-elles les unes par rapport aux autres et comment interagissent-elles ensemble. Ils développent ainsi des atlas 3D. Le groupe a déjà réalisé un atlas 3D d’une glande thyroïde de souris, sur la base duquel une glande thyroïde fonctionnelle a été bio-imprimée en collaboration avec une biotech. Le groupe a récemment terminé un second projet qui a permis l’obtention d’un atlas 3D du pancréas. Les informations topologiques et biochimiques de cet atlas sont maintenant utilisées par des collaborateurs chargés de la bio-impression, en France et Israël.
Le groupe de Christophe Pierreux souhaite désormais développer l’impression de modèles 3D de cancers. Pour cela, il collabore avec d’autres groupes au sein de l’UCLouvain. « Il sera plus facile d’imprimer un modèle de tumeur qu’un pancréas sain, car les cellules tumorales ont (malheureusement) acquis des capacités d’expansion et de survie importantes. Nous cartographierons l’architecture de la tumeur: comment les cellules cancéreuses s’organisent et interagissent avec les autres cellules qui constituent le microenvironnement vasculaire et immunitaire? Quelle est la proportion des différents types cellulaires? Une fois ces données acquises, nous les utiliserons pour créer les encres et instruire la bio-imprimante. »
" Nous fabriquerons un " jumeau imprimé " de la tumeur sur lequel nous pourrons évaluer la réponse à des thérapies. " |
Pour se rapprocher au mieux de la tumeur d’un patient, les cellules tumorales peuvent être isolées à partir d’une biopsie, amplifiées en culture puis utilisées comme bioencre. « Nous fabriquerons ainsi un « jumeau imprimé » de la tumeur sur lequel nous pourrons évaluer la réponse (sensibilité ou résistance) à des thérapies. »
Les partenaires de l’UCLouvain utiliseront une nouvelle imprimante 3D qui sera installée à l’institut avec le soutien de la Région wallonne et bruxelloise. « Notre objectif est de fournir une preuve de concept pour la création d’un « jumeau tumoral imprimé ». Si nous réussissons, nous pourrons appliquer cette stratégie à d’autres types de tumeurs. »
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Représentation schématique de l’impression 3D d’un jumeau tumoral. Tout d’abord, les cellules tumorales (en orange) sont imprimées avec de l’encre biologique fabriquée à partir de cellules d’un patient. Ensuite, les autres types de cellules du microenvironnement tumoral (en bleu) sont imprimées autour de la bio-encre tumorale. |